He managed to grind out two pages of his essay. (trad. fr.) Il est laborieusement arrivé à pondre deux pages de sa dissertation.Je cherchais l'expression "grincer des dents". D'abord sur le dictionnaire coréen-anglais, pour tomber sur "grind one's teeth" (mais quel étrange mot, ce verbe "grind" ! Je le connaissais avec les compléments d'objet comme "coffee" ou "coarse", par intermédiaire de "coarse-grinding" comme technique... de la théorie de la probabilité. Bref, je ne savais pas qu'on "grinçait" ses dents comme on "moulait" du café ou de la graine !), avant d'aller vers le dictionnaire anglais-français. Quel chemin ai-je parcouru pour arriver à si peu de choses ! Un autre acte de détournement, intentionné, voulu, pour tarder à faire face aux problèmes... qui sont pourtant très souvent juste en face.
Mais il y a aussi ceci : il se peut que je grince mes dents. C'est qu'il m'arrive de me réveiller en pleine nuit, à la suite d'un rêve tantôt agréable tantôt cauchemardesque, mais pas mémorable dans la plupart des cas... ne serait-ce que parce que j'ai une mauvaise mémoire en la matière. Mais ce qui me réveille, c'est moins le rêve lui-même que la prise en conscience qui lui fait la suite, un appel de la part de ma conscience dirais-je, du fait que je harcèle et torture mes dents. Quelle horreur ! Qu'est-ce que je serais horrible à voir ! La seule chose qui me console, c'est que je n'ai personne à terroriser par cette scène horrible, par à ce côté terrible de moi.
De quoi tout cela serait-ce un symptôme ? Surement quelque chose de psychologique : plus je suis stressée, plus je grince. Comme si j'avais tellement à aspirer, que je voulais tout dévorer, vider et épuiser, si désespérément, avidement et expressément. Ou bien sont-ce la rancune, la rancoeur, voire la haine que j'éprouve là ? Contre qui ? Contre quoi ?
Je décide d'étudier ce cas moi-même, sans trop savoir par où commencer. Faute de mieux, j'ouvre Vocabulaire de la psychanalyse de Laplanche et Pontalis, pour cette simple raison qu'il est le seul qui soit venu à l'esprit pour le moment (et le seul que j'aie chez moi). Le mot "morsure" est renvoyé au "stade oral" avec celui de... "succion". Ces deux comportements, avec lesquels Freud avait caractérisé le premier stade du développement de la sexualité chez l'enfant, sont distingués par Abraham en deux sous-stades : oral-précoce et oral-sadique. Si la succion est liée à l'incorporation avec l'objet --que représente la mamelle--, la morsure, qui arrive après la poussée des dents, à la destruction de ce même objet. Désir qui n'aboutit évidemment pas, détruit par la mère. Ce qui finit par la séparation entre sujet-objet et prépare ainsi le prochain stade, le stade anal. Or, Melanie Klein n'acceptera pas la distinction : pour elle manger et être mangé, c'est à peu près la même chose ou du moins l'un va toujours avec l'autre.
Mais la morsure est-elle la même chose que le grincement ? La morsure a pour objet quelque chose qui n'est pas de moi, que j'ai envie de posséder ("incorporer"). En revanche, l'objet du grincement, si "objet" il y a, c'est quelque chose de moi, qui m'appartient, ne m'est pas séparé en tout cas -- en l'occurrence mes dents. En les grinçant je les perds plus que je ne les possède ; je risque même de ne pas conserver le peu que je possède. Plus déposséder que posséder, et plus autodétruire que détruire. Idem quand je me gratte (hélas oui, j'ai ça aussi), même si, dans ce cas, c'est plus la physiologie (la notoire "peau à tendance atopique") que la psychologie qui joue... ou bien est-ce ? En tout cas, tout cela c'est plus fort que moi... ou bien est-ce ? Et si j'étais plus forte que je ne pense... ?
Mais cette fois-ci (comme c'est souvent le cas d'ailleurs), le plus fort, ce n'est pas moi mais le hasard. Ce hasard qui a voulu que je tombe sur cette phrase "grind out two pages"... comme s'il voulait me rappeler ce que j'ai à faire. Qu'ai-je, en effet, sinon des pages à pondre ?
D'ailleurs, si "grinding out" peut se traduire par "pondre", le grincement ne serait pas aussi détruisant que cela ; il peut être aussi productif. Même s'il n'y a pas de quoi se réjouir dans le résultat ni dans le moyen ("grind something out" : "produce something dull or tedious slowly and laboriously"), qu'importe, si cela produit quelque chose ? D'ailleurs, il est une autre expression relative au verbe "grind" qu'est "grind away/for" : "work or study hard".
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