Vous traversiez la rue, Madame. Il y avait, devant vous, des voitures qui attendaient que vous passiez, comme moi, de l'autre côté, en vélo. Vous avez jeté un regard aux voitures à votre gauche, puis à moi, à votre droite, puis vous vous êtes tournée vers moi pour me dire : "C'est interdit !" J'allais dire : crier. Oui, Madame, je suis désolée, mais moi qui n'ai pas l'habitude de parler de tonne aussi agressive avec des gens de la rue, comme la plupart des gens d'ailleurs je crois, vous m'a bien étonnée.
En effet, c'était une route "sens unique" et j'allais rouler mon vélo dans le contresens. Mais, Madame, le saviez-vous ? Paris serait peut-être une ville de cauchemar pour les conducteurs, avec ses routes étroites et de sens unique, mais il n'en est pas de même pour les cyclistes. Dans certaines routes, déjà nombreuses et de plus en plus nombreuses, il est permis aux vélos de conduire contre les sens uniques. J'ignore si tel était le cas de la rue où nous nous sommes croisées, mais, même s'il n'y a pas de signe "sauf vélo" qui garantit que telle exception est tout à fait légale, il y a souvent une complicité entre conducteurs et cyclistes pour que ceux-là laissent passer ceux-ci.
De tout cela, je ne vous ai rien dit. La route en question me paraissait assez étroite et montante, j'aillais plutôt marcher sur le trottoir, et ce, après être descendue du vélo. Quand je vous l'ai dit, vous avez répété : "Non, c'est interdit le vélo sur le trottoir !" Vous croyiez que j'allais passer en montée sur mon vélo. J’avoue que cela m'arrive de ne pas descendre du vélo au trottoir, mais ceci uniquement quand il n'y a personne ou peu et il y a suffisamment de place pour que je ne dérange personne avec mon cheval. Evidemment vous ne me connaissez pas, je ne peux vous demander de me connaitre à ce point-là pour vous renseigner sur mes règles de conduite cycliste. Mais qu'est-ce qui vous dit que je ne sois une assez bonne citoyenne, quelqu'un qui a l'horreur d'être impoli et fait tout ce qu'il faut pour ne gêner personne ? Sur quoi fonde votre raisonnement ?
Je ne veux pas vous prendre pour une raciste ou une xénophobe. Peut-être vous aviez simplement une mauvaise humeur et vous vous sentiez irritée par rien. Cela arrive à tout le monde, m'arrive à moi aussi, peut-être plus que quiconque. Mais je crains que, vu la situation, vous risquiez de vous faire prendre pour une telle : une dame assez âgée parle de manière aussi hostile et austère à une fille asiatique plus jeune qui a du mal à se défendre, qu'inspirerait une telle situation ? J'exagère peut-être. Mais pas tellement, vu ce qui se passe en ce moment. Je sens que ce genre de tragédie n'est plus réservée aux banlieues. On dit que c'est la face sombre de la mondialisation, ce repli sur soi et ce rejet de l'autre ou d'autrui, et c'est un phénomène de plus en plus mondialisé. A quoi, hélas, Paris n'échappe pas, en tout cas semble avoir de plus en plus mal à y résister. Excusez-moi de vous le dire, vous êtes vous-même un un symptôme de ce phénomène et vous m'en avez donné une preuve.
Cela m'attriste plus que quiconque parce que, Parisienne adoptée, j'aime profondément cette ville, surtout pour son cosmopolitisme et son ouverture vers autrui. Les gens comme vous laissent quitter même les francophiles dans le fond de leur âme comme moi. Ne gâchez pas Paris. Paris n'est pas seulement à vous. Elle nous appartient, à vous et à moi, à tout le monde.
댓글 없음:
댓글 쓰기